Page 11 - Les glycérorrhées
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Les glyćrorrh́es
. de glyćro, peinture industrielle contenant des solvants, et de -rrh́e,
du grec rhê “couler”. Litt́ralement : coulures de peinture. Invention.
Barbarisme.
̧a coule. ̧a ruisselle. ̧a n’en fait qu’̀ sa t̂te. ̧a d́gouline.
̧a suinte. ̧a goutte... La matìre s’́panche.
Et moi qui justement, aujourd’hui, n’ai rien en t̂te. le cr̂ne livŕ
̀ tous les courants d’air. le dedans tout dehors et sans cadre.
un horizon ćŕbral bien d́gaǵ. ̀ perte de vue. un paysage
de plaine inextinguible. sans l’opportunit́ d’un arbre. d’une
montagne. le regard triste, la paupìre molle, de ne d́nicher ni
le cheminement d’une branche. ni l’escarpement d’un rocher...
quelle chance, si la matìre, je n’ai qu’̀ la suivre !
Toutefois, c’est idiot mais au bout de la baguette, chinoise ou de
verre, la peinture n’attend pas. ̀ la porte du geste, j’entends alors
le pòte. “tout entier ̀ la vie int́rieure aux heures pŕcaires et
doŕes d’avant orage”. Encore de la vie int́rieure ??!!! Du ressenti
qui mac̀re !!?? Du ŕchauf́ ̀ petit feu et ̀ plus d’heures ??!! Du
conit qui se mire ??!! Non. allez. le mot magique. ”Oups”, et
en avant ! Plus de rebufades...ni d’atermoiements.
C’est tout ̀ fait grisant ! De la vitesse. de l’impŕvu. de l’incertitude qu’il faut dare-dare trancher, sous peine d’une
sanction imḿdiate. La situation est nouvelle. La main ne peut attendre l’oeil. C’est ̀ l’oeil de suivre la main.
Et pourtant, la contŕe est jolie... ̀ mon oreille, toujours le pòte. non, un autre. “Ici, rien ne se perd jamais, tout est
constamment pŕsent.” On ne pourrait mieux dire ! Il me faut, en ce nouveau territoire ò la matìre est mon guide, accepter
maladresses, traces, taches et gouttes. le repentir est impossible. le bancal, le guingois, le mal fagot́ assoient leur tr̂ne.
Mais, quand la course est ŕussie, quelle dr̂lerie !
De ce proćd́, pleine brasśe d’appŕhensions ̀ l’aube du geste, et face ̀ l’orgueil d’un papier suṕrieur 450 grammes, est
ńe une peuplade d’inquiets. “le pleurnicheur”, “le faiseur de pluie”, “la femme aux mouches”, “la fabrique ̀ tracas”. tous
ces titres le prouvent. C’est un fait ! Mais la belle afaire ! La libert́ d’un trait qui court. la ligne joyeuse et ivre d’avoir
si bien cavaĺ. l’alĺgresse. la jubilation...qui s’́puisent dans leur propre fuite. leur conqûte. Elles sont l̀, toutes
entìres ! Et l̀ vient encore murmurer la voix ŕconfortante du pòte. un troisìme, germain de surcrôt. .“aux lieux du
ṕril crôt aussi ce qui sauve”.
les pòtes, dans l’ordre :
Pierre Bergougnioux, Jan Peter Tripp, Friedrich Ḧlderlin