… de glycéro, peinture industrielle contenant des solvants, et de -rrhée, du grec rheî “couler”. Littéralement : coulures de peinture. Invention. Barbarisme.
Ça coule… ça ruisselle… ça n’en fait qu’à sa tête.
Ça dégouline… ça suinte… ça goutte...
La matière s’épanche.
Et moi qui justement, aujourd’hui, n’ai rien en tête… le crâne livré à tous les courants d’air… le dedans tout dehors et sans cadre… un horizon cérébral bien dégagé… à perte de vue… un paysage de plaine inextinguible… sans l’opportunité d’un arbre… d’une montagne… le regard triste, la paupière molle, de ne dénicher ni le cheminement d’une branche… ni l’escarpement d’un rocher... quelle chance, si la matière, je n’ai qu’à la suivre !
Toutefois, c’est idiot mais au bout de la baguette, chinoise ou de verre, la peinture n’attend pas.
À la porte du geste, j’entends alors le poète… ”tout entier à la vie intérieure aux heures précaires et dorées d’avant orage”… Encore de la vie intérieure ??!!! Du ressenti qui macère !!?? Du réchauffé à petit feu et à plus d’heures ??!! Du confit qui se mire ??!! Non… allez… le mot magique… ”Oups”, et en avant !
Plus de rebuffades... ni d’atermoiements.
C’est tout à fait grisant ! De la vitesse… de l’imprévu… de l’incertitude qu’il faut dare-dare trancher, sous peine d’une sanction immédiate. La situation est nouvelle… La main ne peut attendre l’oeil… C’est à l’oeil de suivre la main… Et pourtant, la contrée est jolie... À mon oreille, toujours le poète… non, un autre… ”Ici, rien ne se perd jamais, tout est constamment présent.” On ne pourrait mieux dire ! Il me faut, en ce nouveau territoire où la matière est mon guide, accepter maladresses, traces, taches et gouttes… le repentir est impossible… le bancal, le guingois, le mal fagoté assoient leur trône. Mais, quand la course est réussie, quelle drôlerie !
De ce procédé, pleine brassée d’appréhensions à l’aube du geste, et face à l’orgueil d’un papier supérieur 450 grammes, est née une peuplade d’inquiets… ”le pleurnicheur”, “le faiseur de pluie”, “la femme aux mouches”, “la fabrique à tracas”… tous ces titres le prouvent… C’est un fait ! Mais la belle affaire !
La liberté d’un trait qui court… la ligne joyeuse et ivre d’avoir si bien cavalé… l’allégresse… la jubilation...qui s’épuisent dans leur propre fuite… leur conquête… Elles sont là, toutes entières ! Et là vient encore murmurer la voix réconfortante du poète… un troisième, germain de surcroît… .”aux lieux du péril croît aussi ce qui sauve”.
les poètes, dans l’ordre :
Pierre Bergougnioux, Jan Peter Tripp, Friedrich Hölderlin